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les lauriers qu’ils ont acquis ; voyez le marquis de Villena et tant d’autres capitaines vos ancêtres qui ont fatigué les ailes de la Renommée, exciter votre courage. — Tirez donc du fourreau votre brillante épée, et que dans les combats la lame se rougisse comme la croix de votre manteau ; car pour moi j’aurai peine à voir en vous le grand maître de l’ordre de la croix rouge, tant que la croix de votre épée ne se sera pas rougie dans le sang[1]. Toutes deux doivent être de la même couleur ; et vous, illustre Giron, vous devez vous comporter de manière à prendre place un jour au temple de mémoire avec nos nobles aïeux[2].

Le grand Maître.

N’en doutez pas, Fernand Gomez, je suivrai, dans ces troubles civils, le parti de mes proches ; et puisque vous jugez convenable que je passe à Ciudad-Réal, vous le verrez, je renverserai ses remparts avec la rapidité de la foudre. — Il ne faut pas, parce que mon oncle est mort, que mes parents et les étrangers s’imaginent que la valeur du grand maître est morte avec lui. Je tirerai mon épée, et la plongeant dans le sang ennemi, je la rendrai bientôt aussi rouge que la croix que je porte. — Et vous, commandeur, où résidez-vous ? Avez-vous quelques soldats ?

Le Commandeur.

Peu, mais dévoués ; et si vous les employez, ils se battront comme des lions. Vous saurez qu’à Fontovéjune il n’y a que des hommes de basse condition, et moins exercés à la guerre qu’aux paisibles travaux des champs.

Le grand Maître.

C’est là que vous résidez de préférence ?

Le Commandeur.

Entre les maisons de ma commanderie, j’ai choisi celle-là pour y demeurer pendant ces troubles. Faites dresser un état de vos vassaux. Pas un, je suis sûr, ne manquera à votre appel.

Le grand Maître.

Dès ce soir vous me verrez à cheval et la lance en arrêt.

Ils sortent.
  1. Porque no podre llamaros
    Maestre de la cruz roza
    Que teneis al pecho, en tanto
    Que teneis la blanca espada.

  2. Il y a ici un jeu de mots intraduisible. Il porte sur le sens de giron, qui signifie haillon, morceau d’étoffe, pièce mise à un vêtement. Littéralement : « Et vous, chiffon sans égal, vous devez devenir un manteau, une cape qui couvre le temple de vos augustes ancêtres. »