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viennent en ce point[1] ; mais elles diffèrent en ce que la première représente les actions des gens de la basse classe, et que la tragédie ne s’occupe que des rois et des hauts personnages. Jugez par là de tout ce qu’il y aurait à dire contre nos comédies.

Nos pièces furent d’abord appelées autos, parce qu’elles s’en tenaient à l’imitation des actions et des intérêts vulgaires. Lope de Rueda fut chez nous le modèle en ce genre : ses comédies, que l’on a imprimées, sont en prose, et d’un genre si bas, qu’il y a introduit des artisans et retracé les amours de la fille d’un forgeron. Aujourd’hui nous nommons intermèdes ces ouvrages antiques où l’art est soigneusement observé, où l’action est simple et se passe entre petites gens ; car on n’a jamais vu d’intermède où figurassent des rois. Et ceci explique comment les pièces dramatiques tombèrent peu à peu dans un profond discrédit, à cause de la bassesse du style, et comment, à la grande satisfaction des ignorants, on mit des rois et des princes dans la comédie.

Aristote raconte, d’une manière assez obscure à la vérité, au commencement de sa Poétique, le débat qu’il y eut entre Athènes et Mégare touchant le premier inventeur du théâtre : les Mégariens en attribuant la gloire à Epicharme, tandis que les Athéniens la revendiquaient pour Magnètes. Donat en fait remonter les premiers essais aux anciens sacrifices, et, suivant en cela Horace, il attribue l’origine de la tragédie à Thespis, comme celle de la comédie à Aristophane. L’Odyssée d’Homère est le résultat d’une inspiration comique ; mais l’Iliade fut le noble modèle de la tragédie. C’est à l’imitation de ce poëme qu’a été composée ma Jérusalem, que j’ai intitulée Épopée tragique. On appelle communément du nom de comédie l’Enfer, le Purgatoire et le Paradis du célèbre poëte Dante Alighieri, et Maneti en donne les raisons dans la préface de ce poëme.

Tout le monde sait que la comédie, devenue suspecte, fut

  1. Immédiatement après les vers que nous venons citer, Lope ajoute :
    Que en esto fue comun con la tragedia.
    M. Labeaumelle a traduit : « La tragédie et la comédie conviennent en ces deux points. » Il ne s’agit pas de deux points : Lope dit en esto, en cela. Il veut dire qu’en parlant de ce qui constitue l’imitation poétique, il entend parler pour la tragédie comme pour la comédie.