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seulement une jeunesse difficile, mais une jeunesse honteuse, infâme. Il était donc important de nous dire les motifs qui vous avaient déterminé à nous le présenter sous ce nouvel aspect ; et cette discussion aurait intéressé tous ceux qui s’intêressent à la vie de ce poëte, que vous racontez. »

Et ce qui n’est pas moins à regretter, c’est que les imaginations de l’illustre écrivain l’ont suivi jusque dans la partie historique de sa biographie. Ainsi, à propos de l’accusation pour laquelle Lope fut emprisonné, M. Fauriel dit que Lope s’est bien gardé de nous en apprendre le sujet précis ; comme si ce pauvre Lope eût commis quelque crime horrible, quelque noir forfait ! D’abord Lope n’a pas eu l’occasion de parler de son emprisonnement. Puis mille convenances pouvaient l’empêcher d’en révéler la cause. Puis il y a des souvenirs qui, sans être honteux, ne sont pas fort agréables, et Lope pouvait avoir eu dans sa jeunesse des aventures qu’homme marié, père de famille, et ensuite prêtre, il n’aimait pas à se rappeler. C’est ainsi que Cervantes, au début de Don Quichotte, fait allusion à ce village de la Manche où il avait été emprisonné, et « dont il ne veut pas, dit-il, se rappeler le nom. » Et personne ne croit que Cervantes ait mêrité sa prison.

Plus loin, M. Fauriel, parlant de l’exil de Lope, dit d’une manière positive, qu’une sentence fut prononcée contre lui. Où donc M. Fauriel a-t-il vu cette sentence ?

Évidemment en écrivant sa notice biographique M. Fauriel était sous l’influence de Dorothée.

Il y a dans un roman espagnol un passage fort curieux que nous croyons devoir recommander aux biographes de Lope. « À ce propos, dit un des personnages, je vous avouerai que je n’ai jamais pu souffrir ces critiques raffinés qui, en voyant dans les comédies un galant livré tout entier à l’amour, sont toujours prêts à se figurer que le poëte s’est peint dans son héros : jugement peu digne d’un homme vraiment sage. La vérité des peintures, soit dans les sentiments, soit dans les actions, ne prouve qu’une seule chose, le talent du poëte. C’est ainsi que Catulle a pu dire que ses écrits sentaient trop la volupté, mais que sa vie était chaste. » Quel est l’auteur espagnol qui a écrit cela ? Lope de Vega lui-même. Et dans quel ouvrage ? dans Dorothée, acte Ier, scène 5. Comment M. Fauriel, dont le regard est si attentif et si fin, n’a-t-il