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Paez.

Eh bien, s’il ne tient qu’à cela, je louerai une voiture, et nous essayerons d’aller ainsi.

Hélène.

Avec toi j’essayerai tout ce que tu voudras ; et j’espère que tu ne regretteras pas la dépense.

Paez.

Ah ! vous connaissez mal les amants. Pour peu qu’ils sentent le gousset, ils mettent tout leur argent en gants parfumés.

Hélène.

Que te dirai-je, ami ? Je ne suis rien sans toi, et avec toi je veux être. De même que je suis où tu es, je serai toujours où tu seras. Car, vois-tu, tu es l’être de mon être : je pense comme tu penses, je pensais comme tu pensais, je penserai comme tu penseras[1]. C’est pourquoi je ne fais plus de difficulté, et suis prête à partir, dussent, en voyant notre escapade, bisquer Ménélas et enrager Agamemnon.

Paez.

Quoi ! vous m’aimez à ce point ?

Hélène.

Oui, je t’aime comme tout.

Paez.

Quel bonheur pour moi, mon Hélène !

Hélène.

Sais-tu, Pâris ? tu es mon hautbois. Et moi, que suis-je à tes yeux ?

Paez.

Tu es ma cornemuse.

Hélène.

Ô ciel !

Paez.

As-tu vu quelquefois sur les bords du Mançanarez un cochon poursuivant une timide colombe ? As-tu vu quelquefois un âne courant après un picotin d’avoine ? — Eh bien ! moi, de même, je veux t’enlever de ce pays-ci avec la même célérité ; et c’est en vain que tu crieras comme jadis Lucrèce à Grenade.

Hélène.

Moi, crier ?

Paez.

Pourquoi pas ?

Hélène.

Pas si sotte !

On entend un bruit de tambour.


Entre OVIEDO, en militaire.
Oviedo.

Qu’attendez-vous, illustre capitaine ? la mer est calme.

  1. Dazns l’original, tout ce passage est une parodie à peu près intraduisible du langage des cultistes, mauvais écrivains alors à la mode.