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Barthélemy.

Je ne veux pas t’affliger, Dulcan ; mais prends-y garde, n’excite pas la colère de Dieu, de Dieu qui tient en sa main et ton empire et le monde. J’attends le Père qui doit célébrer la messe, et quoique le temple soit suffisamment orné, je ne voudrais pas y voir les idoles.

Pinzon.

Laissez, seigneur, leurs faux dieux dans le temple. Quelle plus grande honte peut-il y avoir pour eux que de se retrouver face à face avec le vrai Dieu contre lequel ils voulurent jadis se révolter et qui les chassa du ciel !

Dulcan.

Eh quoi ! est-ce qu’avant ce jour mes dieux ont eu querelle avec le tien ?

Terrazas.

Veux-tu que je te montre brièvement quel est notre Dieu et quels sont les tiens ? Je le ferai d’une façon grossière, afin que ton entendement si inculte encore me comprenne.

Dulcan.

Je le veux bien.

Terrazas.

Que Dieu donc ouvre ton intelligence et t’envoie sa lumière. — Notre Dieu existe unique en trois personnes : le Père incréé et, toujours le même, le Fils engendré de lui, et le Saint-Esprit qui des deux procède. Lorsqu’il créa les deux mondes, celui-ci et l’autre, — il créa en même temps neuf chœurs d’excellents esprits. Or le premier de ces chœurs était si beau, si puissant, si parfait, qu’il l’emportait sur les autres comme le cyprès sur le myrte, et que les esprits qui le composaient avaient le privilége de se tenir incessamment devant Dieu, comme les principaux vassaux devant le prince. Or Dieu, qui a dans son sein les choses futures, leur ayant parlé de la venue de son Fils qui devait se faire homme, Luzbel (ainsi se nommait le chef de ces esprits), jaloux de voir qu’il y aurait un homme qu’il lui faudrait adorer, se révolta contre Dieu, réunit les superbes, et tous se présentent armés dans les vastes plaines du ciel. Les bons, qui sont contents de l’exaltation de l’homme et de son retour à la grâce, marchent contre les rebelles ; et les frappant avec l’épée flamboyante de la Justice divine, les précipitent dans les enfers ; et dès ce moment, comme parle Isaïe, commença pour les mauvais anges une nuit éternelle. Ainsi fut châtié l’orgueilleux Luzbel, qui disait en son cœur : « Je surpasserai les étoiles du ciel et je me rendrai égal à Dieu. » Et depuis lors il s’applique à tromper les hommes et à détourner vers lui-même le culte qu’ils ne doivent qu’à Dieu seul. C’est ainsi qu’il vous a trompés à cause de votre ignorance, et qu’il se joue de vous en vous annonçant l’avenir par la bouche de ses statues : car il est