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position. Il est vrai que si elles avaient de l’argent de reste comme ici, elles ne demanderaient pas pour leurs épingles.

Ils sortent.



Scène II.

À Hayti.


Entrent FRÈRE BUYL et AUTÉ.
Frère Buyl.

Donne-moi la lettre, bon Indien.

Auté.

Voici ce qu’on m’a remis pour toi. Mais dis-moi, est-ce que cela doit te parler ?

Frère Buyl.

Voyons ce dont il s’agit. (Il lit.) « Mon père, les chrétiens et les Indiens désirent vivement que vous reveniez de Hayti. »

Auté.

Par le Soleil ! voilà un étrange prodige !… — Le papier qui parle !

Frère Buyl, lisant.

« La croix seule a fait des miracles à Guanahami ; elle a suffi à les convertir, et tous voudraient entendre une messe. »

Auté.

Divin Soleil ! cela n’a pas dit un mot de tout le chemin, et ici tout de suite cela parle ! — Vraiment cet hpomme est un dieu, puisqu’il fait parler les objets muets.

Frère Buyl, de même.

« Je partage avec vous ce que j’ai. Je vous envoie douze oranges sur deux douzaines à peine qu’il me reste. » (Il compte les oranges.) Il n’y en a que huit (À Auté.) Qu’est-ce donc, mon fils ? il en manque quatre.

Auté.

Qui te l’a dit ?

Frère Buyl.

Le papier.

Auté.

Je ne l’aurais jamais pensé.

Frère Buyl.

Tu les as mangées ?

Auté.

Oui.

Frère Buyl.

Oui ?

Auté.

Oui. — Mais je t’en demande humblement pardon… et aussi au papier. Si j’avais su qu’il te le dirait, je ne les aurais pas mangées.