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saint sacrifice. — Ce retard est sans doute causé par la conversion de Hayti et de Barucoa.

Terrazas.

Alors il n’est pas permis de s’en plaindre.

Pinzon.

J’envoie au Père douze oranges ; c’est plus de la moitié de ce qui me restait. Pourvu que cet Indien ne me les mange pas en route ! Mais j’ai quelque confiance en lui ; il est d’ailleurs intelligent et parle un peu espagnol.

Arana.

Si le Père part sur-le-champ de Hayti, il sera ici ce soir et pourra dire demain sa première messe.

Terrazas.

Voici Tacuana qui vient de ce côté. Laisse-moi causer avec elle, pour que je juge des progrès qu’elle a faits dans l’espagnol.

Pinzon.

Pour moi, je vais voir si je trouve mes deux jeunes filles.

Arana.

Il paraît que tu es un fameux coq, puisque tu n’as pas assez d’une poule.

Pinzon.

C’est possible. Sans faire tant de bruit, on peut être bon compagnon.

Il sort.


Entre TACUANA.
Tacuana.

Vaillants Espagnols, si vous êtes réellement les fils du Soleil, comme l’annonce la foudre dont vous êtes armés, et votre noble taille, et votre beau visage, et votre langue harmonieuse, — puissiez-vous voir toute cette contrée soumise à vos lois, votre Dieu et votre Christ triomphant de tous nos dieux, et votre croix, que nous prêche ce prêtre béni qui l’a apportée sur ses épaules pour notre salut, adorée depuis Hayti jusqu’aux dernières limites du Chili ! Puissiez-vous voir cet or, objet pour nous de tant de craintes, croître ici à votre hauteur comme fait votre blé d’Europe, et se reproduire chaque année durant des siècles ! Puissiez-vous retourner contents dans votre patrie, en emportant assez de ce métal pour que vos enfants aient des jouets d’or ; et puis les amener dans ce pays, afin qu’ils mêlent leur sang au nôtre, et que tous les Indiens deviennent Espagnols ! — Je viens vous prier de me délivrer du cacique barbare qui me tient ici captive en son pouvoir depuis le jour où vos maisons flottantes, après avoir traversé la mer, abordèrent notre plage. Je suis Tacuana de Hayti ; Dulcan m’a enlevée à mon époux le jour de mes noces ; mon époux est Tapirazu ; mon père me l’avait choisi comme l’homme le plus brave qu’il y ait dans la contrée. J’ai su par un des nôtres qu’il m’attend dans la forêt pro-