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Terrazas.

Ou à Séville. J’étais heureux à Séville quand je mangeais de bonnes olives et de beaux fruits.

Arana.

Ô bonheur ! il n’est pas étonnant que tu ne te trouves pas en ce pays, si ton centre est la Castille… Mais non : le bonheur n’est nulle part ici-bas, et ceux qui pensent l’obtenir s’abusent étrangement. Le bonheur n’est ni dans la vie, ni dans les honneurs, ni dans les richesses, et ceux qui espèrent le trouver dans l’or le cherchent là surtout où il n’est pas.

Terrazas.

Dieu veuille que nous puissions retourner dans un pays où nous jouissions de nos trésors !

Arana.

Et quand nous serons en Espagne, peut-être envierons-nous l’or qui restera ici.


Entrent PINZON et AUTÉ. Pinzon tient une corbeille d’oranges.
Pinzon.

Tu remettras ceci au Père. Tu m’entends, Auté ?

Auté.

Je ferai comme tu l’ordonnes.

Pinzon.

Eh bien, pars, et ne manque pas de dire ce que je t’ai dit, et de lui donner ces oranges. (Aux Espagnols.) Comme nous n’avons pas dans ce pays les maisons de campagne de Séville et de Valence, une orange ici vaut mieux qu’un lingot d’or.

Auté sort.
Arana.

Où envoies-tu cet Indien ?

Pinzon.

À Hayti, messeigneurs.

Terrazas.

Avec une lettre ?

Pinzon.

Ce n’est rien. — Ce brave Indien va me faire un message, et en partant il me laisse pour otages deux jeunes filles du pays.

Arana.

Allons, je vois que tu ne passes pas mal la vie. Vive Dieu ! je connais un homme qui donnerait beaucoup pour trouver à Guanahami une aussi bonne fortune. — Est-ce que frère Buyl ne vient pas ?

Pinzon.

Je lui écris de se dépêcher, que l’on attend sa messe avec la plus grande impatience ; qu’Indiens et chrétiens soupirent après ce jour fortuné où ils verront Dieu lui-même descendre du ciel dans le