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Scène II.

Dans l’île de Guanahami[1].


Entrent DULCAN-QUELLIN, TACUANA, TÉCUÉ, AUTÉ, PALCA, MARÉAMA, et d’autres Indiens. Plusieurs portent des tambourins. Dulcan-Quellin et Tacuana s’asseyent.
Une Indienne.

Dulcan-Quellin le beau cacique
Épouse la belle Tacuana.

Tous.

Dulcan-Quellin le beau cacique
Épouse la belle Tacuana.

Une Indienne.

C’est un beau jour
Pour l’amour !

Tous.

C’est un beau jour
Pour l’amour !

Une Indienne.

Chantons, chantons la joie,
Que notre dieu le Soleil leur envoie.

Tous.

Chantons, célébrons leur joie.

Dulcan.

Mes amis, vous avez bien chanté et bien dansé ; mon mariage a été bien célébré par vous. Mais, charmante Tacuana, on ne pouvait faire moins pour mon bonheur et pour ta beauté ; et maintenant je bénis mon ancienne peine et tout ce que j’ai souffert pour toi. Désormais ceci est ton pays, et tout ce que tu vois t’appartient. Désormais, soit que tu te promènes sur le rivage de la mer azurée, ou dans la plaine, ou sur les montagnes, partout tu seras dans ton domaine. Ne t’afflige pas de ce que je t’ai enlevée à ton pays ; tu ne devais pas demeurer parmi des gens qui étaient incapables de t’apprécier, puisqu’ils ne t’adoraient pas comme un second soleil. Pour moi, quand je te regarde, je te vois briller comme cet astre, tu m’éclaires comme lui, et mon âme se contemple en toi.

Tacuana, à part.

Ah ! si je pouvais dire ce que je pense ! Mais, mon cœur, il te faut dissimuler devant ce tyran farouche qui, à défaut de raison et de justice, a pour lui la force.

Dulcan.

Parle moi donc, et ne me traite pas avec ce dédain ; car tu as en

  1. L’île de Guanahami, qui fait partie d’un groupe d’îles (les Lucayes) qui sont comme les sentinelles avancées de l’Amérique, fut la première découverte par Christophe Colomb. Il lui donna le nom de San-Salvador.