Allons ; car il nous faut consacrer la mosquée à celui qui a retiré cette ville aux Mores pour nous la donner.
Je vois d’ici le comte sur les tours, et j’entends les applaudissements et les cris.
Grenade pour don Ferdinand !
Qu’est-ce donc que vous écoutez là, roi Mahomet, en ce triste moment ?
Je succombe accablé sous le poids d’une telle disgrâce. — Adieu, fameuse et illustre Grenade, noble laurier d’Espagne qui caches ton front blanc dans cette Sierra-Nevada[1], aujourd’hui toute rougie de sang. Adieu, mon Albaycin ! adieu, mon cher Alhambra ! adieu, tours charmantes du Généralife ! adieu, adieu, ma douce patrie, qui m’es enlevée par la trahison de mes proches et par l’épée chrétienne ! En te considérant, je sens plus vivement la grandeur de ma perte. — Si jusqu’à présent on m’a appelé en Espagne le petit roi, dès ce jour on doit cesser de m’appeler ainsi après une si grande disgrâce !
Scène VII.
Il est bien naturel, Colomb, que les Espagnols soient étonnés de la promesse que vous leur avez faite d’un nouveau monde. Ce n’est pas une invention ordinaire que celle de ces Indes… car ici nous ne savons pas d’autre nom à ce pays.
Déjà, seigneur trésorier, je vous ai soumis mon projet, au cardinal de Mendoce et à vous. Quelque nouvelle que soit cette découverte, elle n’a rien qui la doive faire repousser. Si la nature a donné à de vils animaux la faculté d’inventer des arts, de connaître la vertu de certaines plantes, de prévoir le temps orageux ou serein, pourquoi des hommes, des hommes qui ont longtemps étudié et médité, ne pourraient-ils pas savoir des choses dont on n’a pas parlé avant eux ?
C’est précisément là ce qui excite le doute, et ce qui fait que la
- ↑ Chaîne de montagnes près de Grenade.