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des âmes, et de même qu’il y a une récompense dans le ciel, il est tout simple qu’il y en ait une sur la terre… D’ailleurs, avec le roi catholique Ferdinand, qui entreprendra cette conquête, tout soupçon doit cesser.

Une Voix, du dehors.

Je demande qu’il me soit permis d’entrer.

La Providence.

Qui va là ?

La Voix.

Le roi de l’Occident.

La Providence.

Je sais maintenant qui tu es. Entre, maudit.


Entre LE DÉMON.
Le Démon.

Ô juge trois fois saint ! ô Providence éternelle ! où donc envoies-tu Colomb ? Veux-tu donc renouveler mon dommage ? Oublies-tu donc que de temps immémorial j’ai possession de ce pays ? — Ne réveille point Ferdinand, et laisse-le s’occuper de ses guerres, au lieu de lui désigner ces terres inconnues. Autrement je dirai qu’il n’y a en toi aucune justice.

La Providence.

Tais-toi, bouche malfaisante.

Le Démon.

Ce qui les conduit là-bas ce n’est pas l’esprit religieux et chrétien : c’est l’avarice, c’est l’amour de l’or. Eh bien, l’Espagne n’a pas besoin d’aller chercher de l’or au loin ; elle en a dans ses entrailles, et c’est là qu’elle le doit chercher. Moi-même je m’engage à le lui indiquer ; mes souterrains ministres le lui montreront. Laisse donc n’exister que pour moi cette terre inconnue. Ne me fais pas un tel outrage.

La Providence.

La conquête doit s’accomplir.

Le Démon.

Eh quoi ! suis-je sans pouvoir ? suis-je sans force et sans science ? Eh bien, qu’il parte, j’y consens… Mais moi et lui nous nous retrouverons là-bas !

Il sort.
La Providence.

Va avec lui, Imagination, là où est le roi Ferdinand.

L’Idolâtrie.

Tu es bien sévère envers l’Idolâtrie.

L’Imagination.

Allons-nous-en, mon cher Colomb.

Colomb.

Qu’est ceci, Imagination ? Ne m’abuses-tu pas ?

Ils sortent.