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tention, et puisse, en récompense, votre postérité demeurer à jamais illustre dans ce beau royaume d’Espagne ! Comme je vous l’ai déjà dit, je m’appelle Colomb ; je suis né au pays de Gênes, et j’habite l’île de Madère.

Sidonia.

Et vous auriez mieux fait, ma foi ! d’y rester. Ce n’était pas la peine de venir ici pour nous parler de projets si extravagants. Vous, des antipodes ? Vous, un monde nouveau ?

Colomb.

Voyez cette carte marine.

Celi.

Laquelle ?

Colomb.

Celle-ci.

Celi.

C’est une vraie carte de folie. Vous n’y avez oublié qu’une chose… la route du bon sens.

Sidonia.

Ô ambition ! où ne pousses-tu point les hommes !… Voyez : sur la carte de ce fou le Nil, l’Indus, le Gange, l’Euphrate, sont devenus imperceptibles !

Colomb.

Vous doutez ? et cependant voilà le chemin tout tracé.

Celi.

Il faudrait le croire sur parole !

Sidonia.

Son costume jure pour lui !

Celi.

Ne savez-vous pas, brave homme, que mille fois les anciens et les modernes ont agité la question de savoir si dans la zone torride il pouvait vivre des hommes qui pussent souffrir un feu éternel ?

Colomb.

Il y a bien, mon seigneur, dans la Scythie des hommes qui vivent malgré le froid rigoureux du climat. Pourquoi dès lors n’y aurait-il pas d’habitants dans un pays brûlé par le soleil ?

Sidonia.

Alors il faut admettre les antipodes ; il faut admettre qu’il y a des hommes à l’opposite de nos pieds, et qui marchent comme je marche à présent !

Colomb.

Ce sont eux que je veux aller découvrir.

Sidonia.

Voilà une plaisante fable ! Je la recommanderais à Ésope s’il vivait encore. — Quoi ! il y a des hommes debout sous nos pieds !

Colomb.

Pourquoi pas ? Pourquoi, de même qu’il y a des hommes qui