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Cette justice, cette vengeance, je la réclame, Alphonse, à vos pieds, sur lesquels j’ose à peine imprimer mes lèvres indignes. Ainsi puissent vos descendants délivrer par leurs victoires les provinces qui gémissent encore sous le joug des Maures ! et si ma faible voix est impuissante à louer comme il convient votre justice, que l’histoire et la renommée en rendent la mémoire immortelle !

Le Roi.

Je suis affligé d’être arrivé trop tard. Je voudrais être arrivé à temps pour satisfaire aux justes désirs de Nuño et de Sanche. Mais du moins je puis vous rendre justice et récompenser don Tello selon ses mérites. Qu’on fasse venir le bourreau.

Feliciana.

Sire, que votre clémence royale ait pitié de mon frère.

Le Roi.

Alors même qu’il n’eût point commis ce crime, je ne saurais lui pardonner le mépris qu’il a fait d’une lettre écrite de ma main et portant ma signature. — Aujourd’hui, don Tello, je foulerai ton orgueil à mes pieds.

Tello.

S’il y avait une peine plus grave que la mort qui m’attend, je le reconnais devant vous, sire, je l’aurais méritée.

Le Comte.

Daignez, sire, en faveur du coupable, vous rappeler que je vous ai élevé dans ce pays.

Feliciana.

Sire, que le comte don Pèdre obtienne au moins de votre pitié la vie de don Tello.

Le Roi.

Le comte sait que je l’aime et l’honore comme un père ; mais il doit savoir aussi que lorsque la justice m’a tracé mon devoir, il est inutile qu’il s’interpose et me sollicite.

Le Comte.

La pitié est aussi une vertu.

Le Roi.

La véritable pitié ne consiste pas dans l’abandon de la justice ; et d’après toutes les lois divines et humaines un pareil homme mérite le châtiment des traîtres. — Don Tello, donne à Elvire le nom d’épouse en réparation de l’outrage que tu lui as fait, et quand le bourreau t’aura tranché la tête, elle pourra épouser Sanche en lui apportant pour dot la moitié de ton bien. Quant à vous, Féliciana, vous serez dame d’honneur de la reine en attendant que je vous donne un époux digne de votre noblesse.

Nuño.

Je tremble.