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JOURNÉE III, SCÈNE V.

Tristan.

Laissez aller les choses, et attendez la fin de l’aventure.

Théodore.

Voici venir la comtesse.

Tristan.

Il ne faut pas qu’elle me voie ; je vais me cacher.

Il sort.


Entre LA COMTESSE.
La Comtesse.

Comment ! Théodore, vous n’êtes pas allé voir votre père ?

Théodore.

Un grand souci me retient, et j’en reviens à vous demander la permission de faire mon voyage en Espagne.

La Comtesse.

C’est encore Marcelle, sans doute, qui…

Théodore.

Moi, Marcelle !

La Comtesse.

Qu’avez-vous donc ?

Théodore.

J’ose à peine vous le dire.

La Comtesse.

Parlez, parlez, Théodore, fût-ce contre moi-même.

Théodore.

Tristan, qui a remporté aujourd’hui le prix de la fourberie, Tristan le fourbe des fourbes, — voyant mon amour et ma tristesse, et informé que Ludovic avait perdu un fils, a arrangé toute cette intrigue. Je suis de condition obscure ; je n’ai point connu mon père, et je dois mon existence à mes faibles talents et à ma plume. Le comte me croit son fils, et quoique je puisse obtenir votre main, et avec elle la fortune et le bonheur, la délicatesse ne me permet pas de vous abuser, et je ne manquerai jamais à la noblesse de ma nature. Je vous supplie donc de m’autoriser à partir pour l’Espagne ; je ne veux tromper ni vous ni votre bienveillance.

La Comtesse.

Vous avez raison, Théodore, de me déclarer noblement qui vous êtes ; mais vous avez tort de penser que je sois assez simple pour que cela empêche la réalisation de mes projets. Tout ce que je voulais, c’était un moyen de couvrir l’obscurité de votre naissance. Le bonheur n’est pas dans la grandeur et dans les titres, il est dans l’union des âmes ; je vous accepte pour époux ; et afin que Tristan ne puisse jamais révéler ce secret, cette nuit, pendant son sommeil…

Tristan, du dehors.

Place ! place !