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il pensa à s’attacher plus intimement et d’une manière indissoluble à l’Église. Après un noviciat de quelques mois, après s’être préparé par toute sorte d’œuvres de piété et de charité, il prit l’habit du tiers-ordre de Saint-François, et en 1609 il était prêtre.

Dès ce moment de nouveaux devoirs, des habitudes nouvelles se mêlèrent à la vie de Lope. Tous les matins, en se levant, il disait la messe dans un oratoire qu’il avait fait construire dans sa maison[1] ; et l’on a même noté comme une particularité remarquable, qu’il célébrait le saint sacrifice avec un tremblement et des larmes qui témoignaient d’une émotion extraordinaire. À certains jours de la semaine, il se donnait la discipline, et, dit-on, sans s’épargner. Enfin s’étant fait recevoir membre de la congrégation des prêtres nés à Madrid, il remplit avec une scrupuleuse exactitude tous les devoirs auxquels ce titre l’obligeait. Délivrer les prisonniers, vêtir les pauvres, visiter les hôpitaux, soigner les prêtres malades, et quand ils succombaient, les accompagner à la dernière demeure : tels étaient ces devoirs. Nommé bientôt chapelain de l’association, Lope ne se distingua de ses confrères que par son zèle et son dévouement.

Nous voilà bien loin du théâtre. Lope cependant n’y avait point renoncé. L’année même où il fut reçu prêtre, en 1609, il composa son Nouvel art dramatique, et joignant l’exemple au précepte, il se mit de nouveau à écrire des comédies.

Il passa ainsi une dizaine d’années, partageant son temps entre le culte de la poésie, l’éducation de ses enfants, et des pratiques de dévotion. Il n’avait qu’une seule distraction : un petit jardin (huertecillo) attenant à sa maison. Ce jardin avait quelques pieds d’étendue, et contenait une douzaine de fleurs, deux arbres, une vigne, un oranger et une fontaine rustiquement formée de débris de vase en terre cuite. Mais ce petit jardin, l’imagination de Lope, comme une fée puissante, l’agrandissait à volonté et l’ornait avec une richesse, une magnificence sans égale. Regardez ces cascades jaillissantes, ces orgueilleux obélisques, ce lac sur lequel de nom-

    titre purement honorifique ; les gentilshommes de petite noblesse le sollicitaient pour faire constater la pureté de leur race au point de vue catholique.

  1. Lope demeurait rue de Francos, à quelques pas de la rue del Leon, où demeurait Cervantes.