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LE CHIEN DU JARDINIER.

Théodore.

Est-ce l’amour ?

La Comtesse.

Peut-être. Et maintenant il veut sortir avec mes larmes.

Théodore.

Je pars, madame, je pars ; mais mon cœur reste avec vous, et vous ne vous apercevrez pas de mon absence ; car c’est avec le cœur que l’on doit servir une beauté si noble. — Qu’avez-vous à m’ordonner encore, puisque je suis tout à vous ?

La Comtesse.

Quel triste jour !

Théodore.

Je pars, madame, je pars ; mais mon cœur reste avec vous.

La Comtesse.

Vous trouverez parmi vos effets quelques bagatelles que je vous donne. Quand vous les verrez, quand vous verrez ces tristes dépouilles de votre victoire, — victoire, hélas ! si cruelle, — dites-vous que Diane les a mouillées de ses larmes. — Quel triste jour !

Théodore.

Je pars, madame ; mais mon cœur reste avec vous.

Anarda.

Ils mourront de chagrin.

Dorothée.

Que l’amour est difficile à cacher !

Anarda.

Il ferait mieux de rester. — Regardez donc ; ils se sont pris la main, et l’on dirait qu’ils échangent des anneaux.

Dorothée.

La comtesse ressemble un peu au chien du jardinier.

Anarda.

Elle s’apprivoise un peu tard.

Dorothée.

Qu’elle mange donc, ou qu’elle laisse manger les autres.


Entrent LE COMTE LUDOVIC et CAMILLE
Ludovic.

La joie où je suis et mon âge doivent me faire pardonner, madame la comtesse, d’entrer aussi librement chez vous.

La Comtesse.

Qu’est-ce donc, seigneur comte ?

Ludovic.

Vous seule, madame, ignorez ce que tout Naples sait à présent. Depuis un moment que nouvelle s’y est répandue, tout le monde s’empressait autour de moi sur mon passage, et ce n’est pas sans des peines infinies que j’ai pu arriver jusqu’à mon fils.