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JOURNÉE III, SCÈNE III.


Entrent TRISTAN et FURIO habillés en Arméniens.
Tristan.

Permettez, monseigneur, que je vous baise les mains, et puisse le ciel accomplir vos désirs les plus chers !

Ludovic.

Soyez le bien venu, seigneur. Puis-je vous demander le motif qui vous a amené dans nos parages ?

Tristan.

Je suis venu de Constantinople à Chypre, et de là à Venise, avec un navire chargé de toiles de Perse ; et me trouvant en Italie, ayant d’ailleurs le désir d’éclaircir certains doutes, j’ai voulu, pendant que mes commis vendent la cargaison, voir cette ville de Naples tant vantée. Je l’avoue, ce que j’avais entendu dire n’est rien auprès de la réalité, et je suis confondu de la grandeur et de la beauté de votre ville.

Ludovic.

En effet, il y a peu de villes aussi grandes et aussi belles.

Tristan.

Il est vrai. — Vous saurez, seigneur, que mon père était un marchand grec, dont le principal commerce était celui des esclaves. Or, un jour, à la foire d’Astéclies, il acheta un enfant si beau — si beau, que la nature n’en a jamais produit un autre semblable. C’étaient des Turcs qui le vendaient. Il avait été pris par les vaisseaux d’un pacha, à la hauteur de Céphalonie, sur les galères de Malte.

Ludovic.

Ah ! Camille, mon cœur se trouble.

Tristan.

Mon père s’affectionna à cet enfant et l’emmena en Arménie, où il le fit élever avec moi et une mienne sœur.

Ludovic.

Ami, attendez, un moment… que je respire. Dieu ! je tremble et j’espère.

Tristan, à part.

Ça commence à prendre.

Ludovic.

Comment se nomme-t-il ?

Tristan.

Théodore.

Ludovic.

Ah ! combien la vérité a de force ! En vous écoutant, je me sens attendri, et les larmes inondent mon visage.

Tristan.

Serpalitonie ma sœur et ce jeune homme… (plût au ciel qu’il n’eût pas été si beau ! il aurait été moins dangereux). Donc, ma sœur