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JOURNÉE III, SCÈNE II.


Entre MARCELLE.
Marcelle.

Madame, s’il m’est permis de vous demander aujourd’hui, après plusieurs années, la récompense de mes services, il vous sera facile de me l’accorder, et en même temps, puisque j’ai eu le malheur de vous déplaire, vous ôterez de devant vos yeux un objet qui vous est désagréable.

La Comtesse.

Je ne vous comprends pas, Marcelle. De quelle récompense parlez-vous ?

Marcelle.

On dit que Théodore craignant de secrètes embûches, part aujourd’hui pour l’Espagne : vous n’avez qu’à m’envoyer avec lui comme son épouse, et de la sorte ma présence ne blessera plus vos regards.

La Comtesse.

Mais savez-vous, d’abord, s’il le voudrait ?

Marcelle.

Je ne vous l’aurais pas demandé si je n’étais sûre de lui en cette circonstance.

La Comtesse.

Est-ce que vous lui en avez parlé ?

Marcelle.

Oui, madame, nous en avons parlé ensemble.

La Comtesse.

Il ne me manquait plus que ce nouvel ennui !

Marcelle.

Nous sommes d’accord, et il disposera toutes choses pour que notre voyage se fasse avec plus de commodité.

La Comtesse, à part.

Pardonne, cruel honneur, pardonne aux folies que l’amour m’inspire ! — Mais non, je puis cette fois, sans l’offenser, m’éviter ce nouveau chagrin.

Marcelle.

Que décidez-vous, madame ?

La Comtesse.

Je ne puis me passer de toi, ma chère ; et en songeant à me quitter, tu fais tort à mon attachement et à celui de Fabio, qui t’adore. Je te marierai avec lui. Laisse partir Théodore.

Marcelle.

J’abhorre Fabio, et j’aime Théodore.

La Comtesse.

Il ne tient à rien que mon secret ne m’échappe, et je suis sur le point d’éclater. Modérons-nous. (Haut.) Fabio, ma chère, te convient beaucoup mieux.