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LE CHIEN DU JARDINIER.

Théodore.

Ah ! plût au ciel que quelqu’un me délivrât de cette vie ! je serais trop heureux de mourir !

Tristan.

Bon ! je vois que vous êtes tout à fait fou.

Théodore.

Et comment veux-tu que je ne désire pas ce qui serait la fin de mes maux ?… Songe, Tristan, que si Diane y trouvait la moindre possibilité, elle n’hésiterait pas un moment à me prendre pour époux ; mais plus elle s’enflamme, plus elle craint de compromettre sa gloire ; plus elle m’aime, plus elle m’accable de froideur et de mépris.

Tristan.

Que diriez-vous si je trouvais un moyen d’arranger cela ?

Théodore.

Que tu as l’esprit Inventif d’Ulysse.

Tristan.

Si je parvenais à vous amener chez vous un généreux et noble père qui vous rendît l’égal de la comtesse, ne seriez-vous pas hors d’affaire ?

Théodore.

Sans doute.

Tristan.

J’ai ce qu’il vous faut. Il y a quelque vingt ans, le comte Ludovic envoya à Malte son fils, nommé comme vous Théodore, mais qui, de plus, avait l’avantage d’être le neveu du grand maître. Ce jeune homme a été pris par les Mores, et depuis on n’a plus eu de ses nouvelles. Le comte Ludovic sera votre père ; et vous vous serez son fils. C’est moi qui m’en charge.

Théodore.

Songe, Tristan, que cela peut s’engager de telle sorte, qu’il nous en coûte à tous deux l’honneur et la vie.

Tristan.

Soyez tranquille ; retournez chez vous ; et demain avant midi je vous salue comte de Belflor.

Il sort
Théodore.

J’ai bien d’autres pensées, et pour finir mes maux je ne puis employer qu’un remède efficace : l’absence. Je partirai, je m’éloignerai de la comtesse[1].

Il sort.
  1. Ce monologue, qui forme un sonnet dans l’original, est rempli de jeux de mots fondés sur une expression fort usitée en Espagne, poner tierra en medio, mettre de la terre entre soi et une autre personne, c’est-à-dire, s’éloigner. Comme il nous était impossible de traduire ce morceau, nous avons dû l’abréger.