Vous vous moquez.
Plût au ciel !
Que dites-vous ?
Que votre billet, Théodore, est le meilleur.
Je devrais m’en affliger, car plus d’un grand s’est offensé de ce qu’un de ses serviteurs en savait plus que lui. On raconte d’un certain roi qu’il dit un jour à un de ses favoris : « J’ai à faire une dépêche assez difficile, et je ne suis pas content de mon projet ; écrivez-en un autre, et je choisirai. » Le seigneur fit donc un autre projet, et ce fut le meilleur. Voyant que le roi le préférait, il rentra chez lui et dit à l’aîné de ses trois fils : « Quittons sans retard le royaume, car je cours les plus grands dangers. » Le jeune homme lui en demanda la cause. « C’est que, répondit le père, le roi s’est aperçu que j’en sais plus que lui. » Je ne voudrais pas, madame, qu’un pareil malheur me fût arrivé.
Rassurez-vous, Théodore ; si je préfère votre écrit, c’est qu’il rend exactement mon idée. Autrement ne croyez pas, malgré cette approbation de vos talents, que je me défie pour cela des miens. Non pas, j’y ai confiance, quoique femme sujette à l’erreur, et parfois assez peu raisonnable, comme on ne le voit que trop. Au reste, vous craignez, dites-vous, que votre bassesse n’offense la grandeur. Vous avez tort ; il n’en est pas ainsi en amour ; et l’on n’est jamais blessé de ce qu’un inférieur vous aime. Une seule chose peut offenser, c’est l’indifférence.
C’est, en effet, ce que nous dit la nature. Mais on nous enseigne pourtant que Phaéthon et Icare furent précipités, le premier sur une montagne escarpée, le second dans les profondeurs des mers, pour avoir eu la prétention de trop s’approcher du soleil.
Le soleil n’eût pas agi de la sorte, si le soleil eût été femme. Si jamais vous rendez des soins à une personne d’un rang élevé, ne désespérez de rien, car pour se faire aimer il ne faut que de la constance, et nos cœurs ne sont pas de pierre. J’emporte ce billet ; je veux le relire à loisir.
Il est plein de fautes.
Je n’y en trouve point.