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l’évêque d’Avila, dont la maison était toujours ouverte à l’enfant prodigue. Il sentait le besoin d’adopter enfin une carrière honorable, et voulait se faire prêtre. Il se prépare ; il est à la veille d’être ordonné ; mais il voit dans le monde une jeune personne qui lui plaît, il s’attache à elle, et le voilà marié (1584) !

Cette jeune personne, nommée doña Isabelle d’Urbina, était fille de don Diègue d’Urbina, roi d’armes de la cour. Montalvan la dépeint « belle sans artifice, spirituelle sans prétention, et vertueuse sans affectation. » Il faut donc croire que Lope eût été heureux avec elle. Mais une étoile funeste, comme parlent les poëtes espagnols, ne le permit pas. À peine Lope commençait-il à goûter les premières douceurs de l’hymen, qu’il est subitement arrêté, et jeté en prison.

Quelle fut la cause de cet emprisonnement ? On s’est perdu à cet égard en toute sorte de conjectures. Cet événement eut, selon nous, plus d’un motif. Disons d’abord le motif connu, et puis nous essayerons d’indiquer les autres.

À cette époque (1585), raconte Montalvan, vivait à Madrid un de ces hidalgos que les romanciers espagnols ont peints si gaiement, pauvre, besogneux, passant son temps dans les maisons où l’on jouait, n’ayant d’autres ressources que les emprunts qu’il prélevait sur les joueurs que le sort avait favorisés, et payant ses dettes en plaisanteries plus ou moins bonnes qu’il se permettait sur les absents. Or, un jour, en l’absence de Lope, l’hidalgo s’amusa et amusa la compagnie à ses dépens. Lope en fut instruit, et prit sa revanche en homme d’esprit et en poëte : il composa, sous forme de romance, une satire si piquante, qu’il mit les rieurs de son côté. L’hidalgo se fâcha et appela Lope en duel. Lope accepta, et comme il était adroit autant que brave, il blessa son adversaire. Voilà un premier fait bien connu, et un premier chef d’accusation.

Ce n’est pas tout. D’après quelques expressions de Montalvan, je conjecture que Lope avait des dettes. Il n’y avait là rien d’étonnant, pour peu qu’il fréquentât les maisons où il avait rencontré l’hidalgo, et je ne serais pas étonné non plus qu’il ait été poursuivi par quelque créancier peu accommodant.

Enfin, dans une élégie qu’il inséra par la suite au deuxième