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dont elle argentait les cimes touffues, la lune se levait, et, à travers les branches, ses rayons tremblants tombaient çà et là, comme dans un cœur triste se répandent de douces pensées d’espérance. Les fleurs embaumaient l’air de leurs suaves parfums.

Tout en marchant, absorbée dans ses souvenirs, Évangéline franchit la barrière du jardin, passa sous le noir ombrage des chênes, et gagna la lisière de la prairie immense. Les étoiles brillaient au-dessus de sa tête, et d’innombrables légions de lucioles, semblables à une pluie de feu, voletaient au loin sur la plaine que recouvrait un brouillard argenté.

La jeune fille, ainsi isolée, seule avec ses pensées, s’écriait :

« Ô Gabriel, ô le bien-aimé de mon cœur ! faut-il que tu sois si près de moi, et que je ne puisse te voir ? Faut-il que nous soyons si voisins l’un de l’autre, et que je ne puisse entendre ta voix ? Que de fois tes pieds ont foulé le chemin de cette prairie ! que tes yeux ont contemplé souvent ces arbres qui m’entourent ! Maintes fois, en revenant du travail, tu t’es couché pour dormir sous ce chêne où tu me revoyais en rêve pendant ton sommeil. Quand donc pourrai-je te voir et presser tes mains dans les miennes ? »

Tout à coup, près d’elle, éclata la voix perçante