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évangéline

« Je comprends parfaitement tes paroles, ma fille ; et je sais qu’elles sont l’expression des sentiments qui agitent ton cœur. Je crois, comme toi, que Gabriel est près d’ici, car nous approchons des rives de la Tèche, où sont les villes de Saint-Maur et de Saint-Martin. Là, je l’espère, la fiancée sera rendue à son fiancé, et la longue séparation du pasteur et de son troupeau prendra fin. Cette contrée si belle, avec ses pâturages, ses forêts d’arbres fruitiers, où l’on marche littéralement sur des tapis de fleurs, sous un ciel du bleu le plus pur, ce paradis de la Louisiane, comme on l’appelle, sera pour nous, j’en ai l’espoir, une terre bénie. »

Fortifiés par ces paroles, les exilés furent debout à l’instant, et poursuivirent leur voyage. Peu à peu vint le soir. Les derniers rayons du soleil couchant, les vapeurs condensées qui s’élevaient de la terre donnaient au paysage une teinte vague qui semblait fondre ensemble le ciel, l’eau et les bois. Le silence de la nuit n’était troublé que par les chants des oiseaux, tantôt gais et entraînants comme un air de fête, tantôt plaintifs et tristes, comme l’écho d’une lamentation ou d’une profonde douleur.

Le bateau flottait toujours sur la rivière tranquille, et Évangéline, sous l’impression de ce charme