Page:Longfellow - Évangéline (trad. Poullin), 1911.djvu/74

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
70
évangéline

amenés, à cette heure avancée, sur ces courants obscurs. Le son retentit étrangement sous le sombre feuillage et rompit le silence imposant de la forêt. Les mousses suspendues aux arbres s’agitèrent silencieusement, et des échos sans nombre répétèrent au loin cette nocturne fanfare. Mais aucune voix ne répondit ; le silence continua de régner au milieu des ténèbres, et ce silence produisit un sentiment douloureux sur les passagers.

Alors Évangéline s’abandonna au sommeil, pendant que les bateliers continuaient de ramer au milieu des ténèbres de la nuit, tantôt muets, tantôt chantant les airs familiers dont ils faisaient résonner jadis les rivières de leur patrie. Ces chants se mêlaient aux voix mystérieuses du désert, au bruit des vagues ou du vent dans la forêt, aux cris des grues et au grondement du hideux alligator.

Avant le milieu du jour, les voyageurs sortirent de ces sites ombragés, et aperçurent bientôt, éclairés d’un radieux soleil, les lacs de l’Atchafalaya. Des myriades de nénuphars se berçaient aux légères ondulations produites par les rames, pendant que les lotus dressaient leurs couronnes dorées au-dessus de la tête des passagers. Les senteurs enivrantes de la fleur du magnolia, la chaleur ardente du soleil de