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visages ; tous, pâles d’émotion et les larmes dans les yeux, la regardaient avec une douloureuse sympathie.

Les lueurs de l’incendie, qui se reflétaient sur la grève, éclairaient cette scène de désolation. Il semblait à l’imagination impressionnée d’Évangéline que le jour du jugement dernier était arrivé.

À ce moment, une voix bien connue de tous dit à la foule assemblée : « Déposons ici son corps près de la mer. Quand des temps meilleurs nous ramèneront dans nos foyers, nous déposerons avec piété ses cendres vénérables dans le cimetière du village. » Ainsi parla le pasteur.

Alors, on enterra sur le rivage le fermier de Grand-Pré ; la cérémonie eut lieu sans cloches et sans livres, et fut éclairée, en guise de torches funèbres, par les lueurs du village que dévorait l’incendie.

Pendant que le prêtre prononçait les prières des morts, le bruit des vagues de la mer semblait s’associer à la douleur de ces pauvres proscrits, qui, dès le premier jour de leur triste pèlerinage, laissaient un de leurs frères, non le moins vénéré, sur le chemin de l’exil…