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évangéline

au-devant de lui, lui serra les mains, et, appuyant sa tête sur son épaule, elle lui dit tout bas :

« Gabriel, sois fort et prends courage ; car si nous nous aimons, rien ne saurait nous nuire, quelque infortune qui nous arrive. »

Elle disait cela en souriant ; mais soudain elle se tut ; elle venait d’apercevoir son père qui s’avançait à pas lents. Hélas ! comme il était changé ! Le coloris de ses joues avait disparu ; la flamme de ses yeux était éteinte, et son pas semblait alourdi par le violent chagrin qui oppressait son cœur. Évangéline se jeta au cou du vieillard qu’elle embrassa longuement, et, sentant que sa vive douleur ne pouvait être consolée, elle lui prodigua les paroles les plus tendres et les plus affectueuses.

Bientôt la lugubre procession arriva sur le bord de la mer ; alors commença l’embarquement ; ce fut un va-et-vient continuel de barques chargées de monde. Dans le désordre qui se produisit à ce moment, des femmes furent violemment séparées de leurs maris ; des mères virent leurs enfants laissés sur le rivage, étendre leurs bras vers elles avec des cris désespérés. Basile et Gabriel furent transportés sur des navires différents, pendant qu’Évangéline, triste et désolée, restait avec son père sur la plage.