CHAPITRE V
tristesse et désolation
uatre jours s’étaient écoulés depuis les
tristes événements que nous venons de
raconter. À peine le chant matinal du coq
avait-il réveillé les servantes de la ferme, que déjà
une longue et morne procession de paysannes acadiennes
arrivait des hameaux voisins, et se dirigeait
vers le bord de la mer, emportant dans de lourds
chariots tous leurs biens domestiques. De temps en
temps, elles s’arrêtaient pour jeter derrière elles un
regard douloureux, afin de revoir une dernière fois
leurs demeures, avant que les détours de la route ou
l’épaisseur des bois ne les leur eussent cachées pour
toujours. À côté d’elles, les enfants couraient, pressant
les bœufs, et serrant dans leurs petites mains
quelques fragments de jouets qu’ils n’avaient pas
voulu abandonner. La triste caravane arriva bientôt
à l’embouchure du Gaspereau, où s’entassaient