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TERRE D’ÉBÈNE

l’honneur qu’il nous prépare. Il va nous montrer Tombouctou.

Bafoulabé, Toukoto, Kita, Bamako, Ségou, Macina, Dioura, Diré, Niafounké, les stations de notre chemin, qu’était-ce ? Ce n’était que l’Afrique noire dans son puissant anonymat, quelques petites taches sous un soleil furibond, des noms sans prestige, valant seulement pour les broussards ou les arpenteurs du service géographique.

Kabara est en vue, déjà. C’est ce village au bout du canal que nourrit le Niger. De là nous traverserons l’ultime brousse avant le désert, ce qui l’autorise sans doute, en comparaison de ce qui va suivre, à s’appeler forêt ! Sept kilomètres après…

Pauvre pays nègre ! Les blancs, tes fils adoptifs, entendent ne pas te laisser le prestige d’une légende. Ils arrachent jusqu’à ta dernière loque. Ils ne veulent pas que Tombouctou soit quelque chose. Quand ils apprennent que vous y allez, ils vous rient à la figure. Un pèlerin qui monte à Tombouctou perd de sa valeur, à leurs yeux. Il passe pour un poète, ce qui est une grande honte à notre époque.

Voilons-nous la face : notre chaland touche Kabara.

Un chaland est une bien bonne bête, surtout quand on doit le quitter pour un cheval ! Le cheval est là, il m’attend. Pourvu qu’il ait entendu parler