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TERRE D’ÉBÈNE

— Si l’on n’était rien, m’a dit Robert, on ne souffrirait pas. Et pourtant, regardez !

Robert m’avait entraîné chez lui, un propre petit logis de Mopti. Robert ouvrait le buffet, tirait les tiroirs. Je croyais qu’il allait mettre le couvert et m’offrir à dîner.

— Regardez ! On mange dans des assiettes ; on se sert de couteaux, de fourchettes, de cuillers ! On boit dans des verres !

— Et cette photo, lui dis-je, lui montrant au mur un général découpé dans un illustré.

— C’est papa !

On les a abandonnés. Là-dessus ils ne disent rien. La chose leur semble naturelle. Ils conçoivent obscurément qu’ils ne sont pas des enfants, mais des accidents, et qu’un accident est toujours malheureux. Toutefois on les a envoyés dans des écoles. Ils ont récité qu’ils étaient fils de Gaulois. On leur a fait porter des souliers, des chemises et des pantalons. Eux-mêmes ont ajouté les lunettes. Il fallait se garder de leur apprendre à lire si l’on ne voulait pas qu’ils vissent le nom de leur père sur les journaux !

Ils ne réclament pas la recherche de la paternité. Un vif sentiment de leur situation les anime. Ils savent qu’ils ne sont qu’un péché originel et en accusent Adam plutôt que sa lignée. Cependant ils ont l’idée de se racheter. Connaissant le