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TERRE D’ÉBÈNE

Ces belles conclusions sont rares comme la fraîcheur.

Le métis est profondément malheureux.

L’école en fait moralement des Français, la loi les maintient au rang de l’indigène. La loi leur interdit de porter le nom de leur père. À vingt ans, la loi les verse dans l’armée noire. Un nègre, parce qu’il est né à Dakar, à Rufisque, à Saint-Louis ou à Gorée, est citoyen français. Le fils du général X…, du gouverneur, de l’administrateur en chef, de l’ingénieur, lui, est nègre ! S’il commet une faute, il sera jugé comme un nègre. Quand il obtiendra une place, il sera payé comme un nègre. Neuf francs par jour d’indemnité au fonctionnaire électeur noir, deux francs cinquante pour le métis. Cent francs par enfant pour l’autre, dix francs pour lui ! Frappe-t-il à la porte de l’administration ? Il est reçu comme un nègre. Si c’est un nègre de Dakar qui tient le porte-plume, il est chassé comme un chien. Henri qui avait de l’esprit m’a dit : « On devrait être fait tout en fesses, ainsi nous aurions plus de place pour recevoir les coups de pied ! » Le dernier des gnafrons des quatre communes envoie un député devant la Seine ; le métis reste dans le Niger. Ils ne sont ni blancs ni noirs, ni Français ni Africains, ni frisés ni plats. Le malheur est qu’ils soient tout de même quelque chose.