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TERRE D’ÉBÈNE

à fait. Or les chevaliers attitrés de la colonisation ont besoin de promener un cadavre sous les yeux du peuple de France, un cadavre qui appellera les justes imprécations de l’initié et les pierres vengeresses du populaire. Ce cadavre est choisi. Horreur ! c’est le mien !

Je m’en irai, ainsi, au gré du flot berceur, mon pauvre cher petit corps ligoté sur une planche de liège, la main droite coupée, coupable d’avoir écrit, les pieds carbonisés et mon dernier chapitre (auparavant, sous la menace, j’aurai dévoré tous les autres), fleurissant entre mes dents comme une fleur vénéneuse.

Le gouvernement général de l’Afrique Occidentale Française a décidé la chose.

Il vient d’inviter douze journalistes et douze parlementaires, dans l’espoir que ces vingt-quatre personnes constateront que ceux qui, jusqu’ici, m’avaient pris pour un homme et non pour un âne, feraient bien de se rendre compte qu’ils n’ont aucune capacité quand il s’agit de distinguer la race humaine de la faune domestique.

À l’heure qu’il est, heure fatale, ces missionnaires débarquent à Dakar.

M. le ministre des Colonies y arrive aussi.

Que la terre d’ébène soit clémente à eux tous.

Pour moi, je n’ai plus que peu de choses à dire,