Page:Londres - Terre d'ébène, 1929.djvu/46

Cette page a été validée par deux contributeurs.
44
TERRE D’ÉBÈNE

sou à sou, barbe à barbe, cheveu à cheveu, poil à poil ! Ah ! je suis content, bien content ! Je suis la preuve vivante que le Français qui vient à la colonie, qui mange peu, ne boit pas, ne sieste pas, que ce Français prospère, s’enrichit et finit par être un surhomme. Seulement ce n’est pas une raison pour faire le beau. Pas d’orgueil surtout, pas d’orgueil ! Le pognon vous donne la force, mais concentrez-la. Ne soyez ni généreux, ni vaniteux, ni luxurieux. Tout en dedans ! Rien pour la galerie !

— Enfin ! lui dis-je, que me voulez-vous ?

— Je suis Tartass. Vous avez devant vous un coiffeur millionnaire. Je ne sais avec qui j’ai affaire, mais j’en ai servi des têtes : le maréchal Pétain, le colonel de Goys, le duc d’Aoste, Pelletier Doisy. Un bon garçon. Il n’a pas voulu partir sans prendre le café avec moi. À Paris, voilà dix-neuf ans, j’ai coupé les cheveux à M. Aristide Briand, 31, rue de Dunkerque. Ah ! s’il savait la situation que je me suis faite, depuis ! Rue des Beaux-Arts, j’ai rasé M. Marcel Hutin. Il fumait toujours de gros cigares. Il en fumerait de bien meilleurs s’il avait suivi mon exemple ! Mais tout le monde n’est pas Tartass ! Sans moi, que verriez-vous au Soudan ? Des barbes incultes, des cheveux de peaux-rouges et, chez les plus propres, des escaliers dans la coiffure. Voilà qui aurait produit bel effet sur les envoyés de la Société