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TERRE D’ÉBÈNE

mortiers de bois. C’est l’après-midi. Les hommes ne sont pas dans la ville. Ils sont boys chez les blancs ou bien ils accomplissent leurs journées de prestations, creusant le canal de Sotuba, de l’autre côté du Niger, ou retapant des routes. Ou bien ils sont occupés au portage, ou même, en grands connaisseurs, ils se grattent les doigts de pied, voluptueusement vautrés sur la terre chaude de leur patrie.

Je me promène dans la ville noire. Un seul cri monte du silence. C’est celui de la petite marchande de noix de kola.

— Ayé na vo san ! dit-elle.

Je lui demande comment elle s’appelle. Elle ne répond rien. Je lui donne dix sous. Alors elle dit : « Aïsata. » Je lui tends encore une pièce. Elle hésite à la prendre, car elle n’a qu’un nom, dit-elle !…

Cette fois, voici du boucan : une grande palabre tout en éclats de voix. Un tirailleur mène un train du diable dans la cour d’une case. Il parle comme un général en colère devant le front de ses troupes. Son apostrophe est une macédoine de mots bambaras et français. Mots français sans nul doute, mais mots qui n’ont pas cours dans les salons. Ceux qui lui ont appris notre langue ne lui ont pas volé son argent. Ce ne serait rien de dire qu’il fut l’élève de notre dernier cocher de