Page:Londres - Terre d'ébène, 1929.djvu/40

Cette page a été validée par deux contributeurs.
38
TERRE D’ÉBÈNE

indigène, ville en banko, c’est-à-dire en boue. Aucune case ne dépasse l’autre. Cela s’étend comme un cimetière où l’on n’aurait enterré que des pauvres ; un cimetière de la zone des armées, égalitaire. Au-dessus des murs entourant ces cases, on voit monter et descendre en cadence l’instrument symbolique de l’Afrique entière : le long bâton à piler le mil. Il semble le piston un peu penché d’une machine toujours en mouvement, la machine antédiluvienne qui donne à manger à la race maudite.

Pourquoi n’avons-nous pas installé des moulins qui écraseraient le mil, décortiqueraient le riz ? Le mâle ne veut pas, la belle-mère non plus. « J’ai pilé toute ma vie, pourquoi la fille n’en ferait-elle pas autant ? » dit la vieille créature. Quant à l’opinion du mari, la voici :

À Gao, un capitaine avait construit un moulin avec trois beaux pilons qui besognaient dur. Il convoqua les notables, leur expliqua le miracle. Émerveillement ! Cependant, le chef du village s’avança et il dit : « Maintenant, que feront nos femmes ? »

La condamnation du progrès fut sans réplique.

Les femmes pilent dans Bamako.

Vingt mille noirs vivant là, au ras du sol, et seulement le bruit sourd de bâtons défonçant des