Page:Londres - Terre d'ébène, 1929.djvu/259

Cette page a été validée par deux contributeurs.
257
TERRE D’ÉBÈNE

chantier, sa soupe avalée, tombant d’un bloc sur la toile tendue qui lui servait de lit.

J’entendais les cris sauvages des furieux capitas, les « Ria-ria ! Pousso ! pousso ! » les « Allez ! Saras ! Allez ! allez ! » et je revoyais les Saras, les Zindès et les Bayas n’ayant plus la force de pousser s’en aller mourir dans la forêt.

Je revoyais le directeur de la compagnie des « Batignolles » hausser les épaules dans sa maison de Pointe-Noire et je l’entendais fixant la date de l’inauguration du Congo-Océan après la mort de son successeur, « encore, disait-il, s’il vient ici très jeune et que l’on ait changé de méthode ».

Je pensais qu’entre octobre 1926 et décembre 1927, trente mille noirs avaient traversé Brazzaville « pour la machine », et que l’on n’en rencontrait que mille sept cents entre le fleuve et l’Océan !

Je me répétais que, de l’autre côté, les Belges venaient de construire 1.200 kilomètres de chemin de fer en trois ans, avec des pertes ne dépassant pas trois mille morts, et que chez nous, pour 140 kilomètres, il avait fallu dix-sept mille cadavres !

Je pensais que si le Français s’intéressait un peu moins aux élections de son conseiller d’arrondissement, peut-être aurait-il, comme tous les autres peuples coloniaux, la curiosité des choses de son empire et qu’alors ses représentants par-delà l’Équateur, se sentant sous le regard de leur pays, se