Page:Londres - Terre d'ébène, 1929.djvu/258

Cette page a été validée par deux contributeurs.
256
TERRE D’ÉBÈNE

— Tu cherches M. Lasnet, lui dis-je.

— Lassinet ! Oui, le grand général Lassinet !

— Mon vieux, il est déjà à Brazzaville.

Il en laissa choir son garde-à-vous !

— Moi, foutu ! Moi, crapule ! Moi, plus jamais médaillé ! fit-il.


Je continuai la route. Après le Mayombe, je n’avais plus rien à voir. Sur plus de 300 kilomètres, les travaux ne sont pas encore amorcés. Le drame du Congo-Océan, qui commence au Tchad et dans l’Oubangui-Chari, vient se dénouer dans le Mayombe.

Je revoyais tout. Les blancs épuisés, dont la seule affaire était de finir leur contrat. Aucun n’avait pu me parler longtemps, on aurait dit que le souffle leur manquait. À mes demandes, ils répondaient par un geste las. Ils étaient des hommes à bout de résistance. La forêt tropicale les avait minés. Ils ne souriaient que lorsque l’on parlait de l’achèvement de la ligne. Et quand je disais qu’il fallait pourtant que le chemin de fer se fît, ils répondaient : « Pas par nous ! »

Je revoyais le désarroi des chantiers, une petite barre à mine attaquant les rochers géants, les Saras ne pouvant plus soulever la pelletée de terre, les contremaîtres noirs impitoyables, et le chef du