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TERRE D’ÉBÈNE

les » ne furent bientôt plus que cinq mille, puis quatre mille, puis deux mille. Puis dix sept cents ! Il fallut remplacer les morts, recruter derechef. À ce moment, que se passa-t-il ?

Ceci : dès qu’un blanc se mettait en route, un même cri se répandait : « La machine ! ». Tous les nègres savaient que le blanc venait chercher des hommes pour le chemin de fer ; ils fuyaient. « Vous-mêmes, disaient-ils à nos missionnaires, vous nous avez appris qu’il ne fallait pas nous suicider. Or aller à la machine c’est courir à la mort. » Ils gagnaient les bois, les bords du Tchad, le Congo belge, l’Angola. Là où jadis habitaient des hommes, nos recruteurs ne trouvaient plus que des chimpanzés. Pour l’honneur de la race humaine, pouvait-on construire le Congo-Océan avec des chimpanzés ? Nous nous mettions à la poursuite des fugitifs. Nos tirailleurs les attrapaient au vol, au lasso, comme ils pouvaient ! Ils les canguaient ! ainsi que l’on dit ici. On en arriva aux représailles. Des villages entiers furent punis. Quelques-uns cependant échappèrent à ces rigueurs, des commandants blancs de ces régions ayant épousé la cause de ces noirs contre les blancs de Brazzaville ! Une autre fois, un chef noir se pendit plutôt que d’obéir à l’ordre de recruter pour la machine. Enfin, pour masquer le dépeuplement, on parla de rectifier la frontière de l’Oubangui-Chari !