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TERRE D’ÉBÈNE

place Villiers : on n’entendait plus parler que des Batignolles !

Au Moyen Logone, au Moyen Chari, au Dar el Koutti, dans la Haute-Kato, au Bas-Bomou, du Gribingui à l’Oubangui, de l’Oubangui au Pool, le nom si parisien tomba et rebondit.

Des Bakotas, des Bayas, des Linfondos, des Saras, des Bandas, des Lisangos, des Mabakas, des Zindès, des Loangos furent arrachés à leur contemplation et envoyés « aux Batignolles » !…

C’était un voyage fort excentrique. Les recrutés embarquaient sur des chalands, contemporains de notre conquête. Dans ce pays, les chalands n’étant point faits pour le transport des hommes mais pour celui des marchandises, avaient le dos rond. Trois cents par trois cents, quatre cents par quatre cents, on entassait la cargaison humaine dessous et dessus. Les voyageurs de l’intérieur étouffaient, ceux du plein air ne pouvaient se tenir ni debout ni assis. De plus, n’ayant pas les pieds prenants, chaque jour — et la descente jusqu’à Brazzaville durait de quinze à vingt jours — il en glissait un ou deux dans le Chari, dans la Sanga ou dans le Congo. Le chaland continuait. S’il eût fallu repêcher tous les noyés !… Le chaland abordait-il ? Les branches des palétuviers fauchaient au passage les plus hauts perchés. Pas un abri. Quinze jours sur un toit rond. Le soleil, la pluie. Et comme le