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TERRE D’ÉBÈNE

— Sortez ! dit le barman, pas de nègres ici.

— Mais, dit Ouanilo, je suis passager de première.

— Encore, vous, je puis vous servir, vous êtes propre ; mais pas les deux macaques !

Ouanilo vint me chercher. Il me dit que ses frères étaient malades, ce qui se voyait ; que le barman leur refusait un verre de cognac ; que, pourtant, ils avaient fait la guerre en France ; que Robert avait été blessé.

Suspect comme blanc au Dahomey, suspect comme noir en France, pauvre Ouanilo ! Je fis apporter le cognac dans sa cabine.


L’Amérique naviguait depuis plusieurs jours. Ouanilo mangeait en tête à tête avec la princesse sur une petite table de deux, vivant sans bruit, souriant, espérant que bientôt les blancs lui pardonneraient d’être noir. Il me disait sa joie de revenir à Bordeaux. Le dernier mois lui sembla si long à Abomey ! Il se sentait égaré, surtout on le regardait mal !

Un soir, Ouanilo ne parut pas à la salle à manger. La mer, cependant, était calme. Un garçon vint prévenir le docteur qui quitta la table. Le dîner des autres passagers s’acheva. Une heure après, le commandant m’apprit que Ouanilo était à toute extrémité. Le docteur confirma la