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TERRE D’ÉBÈNE

Élégant, habillé à l’européenne, instruit, rempli de réserve et de tact, il était réellement un gentleman timide. Tant de bonnes manières le mirent tout de suite au ban de sa patrie. Au milieu de ses frères au torse nu, il ne savait plus que faire de son faux-col, de ses habits, de ses chaussures et surtout de son éducation. Il regardait ses parents d’un œil qui demandait pardon.

Les funérailles allaient durer longtemps. Le gouverneur Fourn avait logé le prince et la princesse dans une maison de blancs, pas très loin des ruines du palais où, à l’ombre du trône paternel, vissé sur quatre crânes, l’enfant royal était né.

Les volets de cette maison demeuraient clos.

Behanzin, d’après la coutume, n’était pas encore considéré comme mort. Le cercueil dans lequel ses restes reposaient était bien dans le tata de son fils aîné, le grand Aouagbé, préfet de Boïcon et d’Abomey, mais, pour le peuple, Behanzin n’était que très souffrant. Les indigènes s’abordant, s’interrogeaient avec angoisse sur la santé du roi. « Il faut rentrer chez nous, disaient-ils, notre roi ne va pas mieux. » Ils parlaient bas et s’éloignaient en silence. Mon boy accourait et me disait : « Ti sais, le roi est encore plus malade que ce matin. » Deux de ses femmes, si vieilles que lorsqu’elles marchent leur tête dodeline à la hauteur de leurs genoux, veillaient dans l’obscurité près du cercueil,