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TERRE D’ÉBÈNE

des mauvais traitements et la rancune, et cela ne se perd jamais.

Un air de phonographe s’éleva. L’une des femmes de Zounan, s’étant introduite à quatre pattes dans le salon, avait remonté la machine. Zounan chassa l’épouse d’un coup de mouchoir, ainsi que toute la clientèle qui, bouchant portes et fenêtres, empêchait le zéphir de nous caresser.

— Écoute, gouverneur, reprit-il, ce n’est que lorsqu’une femme va vers un autre mari qu’elle reconnaît que son premier était bon. Ainsi mon peuple fera-t-il pour toi. Les femmes du roi même ne sont pas contentes de lui. Écoute bien, mon gouverneur, mon z’ami, un grand chef ne doit avoir ni z’amis ni frères. Un grand chef ne doit pas compter sur la reconnaissance de la foule parce qu’il ne peut avoir deux bouches, l’une qui dira blanc à l’un pour lui faire plaisir et l’autre noir au second pour lui faire aussi plaisir. Écoute, gouverneur, un grand chef n’a pas à tenir compte des histoires du marché.

Il se voila de nouveau la face, et, derrière son mouchoir de soie, on entendit :

— La reconnaissance est une grande affaire seulement pour les petites gens.

Le peintre Rouquayrol le dessinait à la dérobée. Le Zounan glissa vers lui un œil amical et complice qui signifiait : « Ça va, la peinture ? »