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TERRE D’ÉBÈNE

le nez avec du gin et ça tirera. Tenez, c’est là où vous devez sauter. Nous sommes au 125. Voici la case du chantier. Bonne chance !


Et je sautai du train, dans la tranchée de la voie, entre les deux murs de la forêt. Mon ami Bernard m’attendait.

C’était un coupeur de bois d’une autre race. Au titre d’aventurier, il avait préféré celui de bûcheur. Bordelais, le corps et la langue toujours en action, il portait à bras tendu ses vingt-cinq ans de Côte d’Ivoire. Il était de ceux qui faisaient dire : « L’Afrique tue ? regardez donc Bernard ! »

J’arrivais avec un jour de retard. J’avais perdu ce temps avant Dimbokro, alors que je roulais en auto. On n’en finissait plus de passer les rivières, les passeurs étant toujours de l’autre côté, comme la concierge est dans l’escalier ! Il était six heures et demie du soir. J’escaladai le remblai.

— Cinq cent mille poux de bois dans mes billes d’Iroko ! s’écria Bernard, mais je vous croyais dévoré par les fourmis manians !

— Salut, dieu de la forêt ! fis-je.


Un par un, des noirs, éreintés, rentraient du chantier. Ils ne gagnaient pas leur camp, mais, ce