Page:Londres - Terre d'ébène, 1929.djvu/172

Cette page a été validée par deux contributeurs.
170
TERRE D’ÉBÈNE

Les nègres que je rencontre, je les arrête. Je fais appel à mon langage international : imitant l’homme qui abat un arbre, celui qui tire les billes. Tous comprennent ; cependant, ils viennent du fin fond de la Côte d’Ivoire ; eux aussi ne sont pas d’ici.

Je descends de voiture. J’essaie un sentier. Erreur ! les feuilles ne sont pas foulées.

Enfin, voici un chef noir. On reconnaît un chef à ses boubous, mais plus sûrement à sa bonne santé et à ses kilos. Celui-là pèse dans les cent dix ; c’est un grand chef. Il va vers Abidjan, suivi de deux serviteurs. Je mime mon discours.

— Hommes à bois ? fait-il, hommes à mourir ?

Il m’indique que c’est plus haut.

En effet.

Voici les rails d’un Decauville. Je les suis. La forêt ne vous donne pas le vertige, ou celui qu’elle procure est le contraire de l’autre : loin de vous attirer, elle vous repousse. On n’avance pas d’un air dégagé et consentant. Si l’on n’écoutait que son instinct, on ferait marche en arrière. Alors que l’on a parcouru cent mètres, on croit avoir abattu un long chemin. Dire qu’il est des intrépides qui vont, en partie de plaisir, déjeuner dans les grands bois ! Il est vrai que cela se passe en France. Ici l’on ne se sent pas bien.