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TERRE D’ÉBÈNE

Ces simples arborent si crûment leur majesté sur leur visage que plusieurs jours après on en rigole encore. J’en ai vu un, les deux jambes en équerre, debout et immobile et qui parlait d’une voix tonitruante au milieu d’un village, alors qu’il n’y avait plus un chat autour de lui. « Plus vite… Courir… Service-service !… » disait-il.

— À qui t’adresses-tu ?

Il fit claquer ses rotules et répondit avec une gravité profonde :

— Ordre de ma commandante !

Aujourd’hui, les porteurs de coton se hâtent vers Bouaké. Ils vont d’un pas consentant. Écrasés sous la charge, ils vous sourient. Le tirailleur fait le chien de berger. L’homme, la mousso, l’enfant, tout le monde est de corvée. Ils ne reverront plus leur case de quatre jours, mais ils vont contempler la face du commandant ! Ceux qui apporteront du mauvais coton attraperont, comme de juste, quelques jours de « boîte ». Ils se dépêchent !

La ville est atteinte. Ils s’engouffrent dans la cour de la résidence, déposent leurs sacs, les ouvrent et se rangent. Le tirailleur admire son œuvre et, d’un pas officiel, gagne le bureau du dieu de la brousse. Il se fige dans le cadre de la porte et, la main à la chéchia, lance d’une voix de tonnerre :