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TERRE D’ÉBÈNE

Nos lois, qui déjà ne nous vont pas bien, vont tout à fait mal au nègre. La magistrature coloniale, si honteusement payée qu’elle est forcée de se nourrir d’épluchures de bananes à cochon, est devenue le fief des métis et des purs noirs. Les séances au Palais de Justice sont des représentations de grand cirque… Nos enfants y vont pour rigoler et pleurent quand nous les en privons…

L’orateur, à ce moment, fut arrêté dans son agréable discours.

— Parlez de nos affaires, lui cria un collègue.

— J’y viens : Nos façons d’envisager le problème économique sont opposées aux idées officielles. En un mot, le fonctionnaire considère le commerçant comme un voleur.

— Comme un intrus, un aventurier, lance un autre.

— Non ! dis-je, comme un affamé seulement, un margouillat, tout au plus. Votre rêve d’ailleurs se lit sur votre visage, il n’est pas honteux, vous voulez faire fortune.

— Oui ! répondirent-ils tous.

— Mais en deux ans et sur la peau du nègre.

— Ô malheureux monsieur ! Quatorze années que je traîne fièvres, bilieuses, tiques, cro-cro, du poto-poto, de la Côte d’Ivoire aux termitières du Soudan. Quatorze années…