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TERRE D’ÉBÈNE

vais parler pour tous. D’abord, comment allez-vous ? Si vous êtes malade, on vous soignera. Nous, nous allons tantôt bien, tantôt mal ; mais nous allons toujours. Savez-vous où vous êtes ? En plein moyen âge. Si vous vous mettez mal avec nous, et que votre tête ne revienne pas à l’administrateur, vous n’aurez qu’à coucher dehors et à manger des fourmis ailées. Les chefs indigènes pour les nègres, les chefs européens pour les blancs règnent du haut d’un château-fort.

Cela ne va pas. Le recrutement pour l’armée dépeuple nos colonies. On ne compte plus les villages désertés. Notre main-d’œuvre effrayée fuit chez les Anglais. Quand les tirailleurs partent, ils sont doux et naïfs ; ils sont des voyous à leur retour.

On fait voter les nègres. Je vous parie quatre pointes d’éléphant contre un pintadeau que bientôt le Soudan, la Côte d’Ivoire et le reste enverront chacun un député devant la Seine. Ce jour-là, les Français de la côte pourront filer à la nage, et nous pourrons, nous, nous enterrer dans une termitière.

Au lieu de faire des mécaniciens, des forgerons, des menuisiers, nous confectionnons des Akaouès, des intellectuels qui, croyant mort le roi de France, prennent la République pour sa veuve et appellent messieurs, les Phares de la Bastille !