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TERRE D’ÉBÈNE

comme on vous appelle, grâces vous soient rendues : la fantaisie n’est pas tout à fait morte aux colonies !


Cinq heures. J’arrive au rendez-vous. Dans une cour, devant une maison neuve, dix-huit Français, en pique-bœufs, c’est-à-dire ayant revêtu chacun un costume blanc et empesé.

Quels hommes sont-ils ?

Ni des paresseux ni des timides. Du sang de poulet ne coule pas dans leurs veines. Ils ont plus de sang chaud que de sang-froid. Ce sont des hommes qui ont traversé les mers pour faire fortune.

Les uns l’ont déjà faite, ils l’ont perdue, ils la cherchent. Les autres sont en plein dans le jeu : pile ou face ? Voici les jeunes gens en « consommation », fils de famille qui tutoyaient le patrimoine, et que les parents, pour dressage, envoyèrent au pays de la vache enragée. Belle dentition ! beaux carnivores !… Tous d’attaque.

Les commerçants me font l’honneur de la maison. Le champagne du voyageur rafraîchit dans les seaux. Les sièges sont préparés. On prend place.

L’un avance sa chaise et dit :

— Je suis Prétefort. On m’appelle Gueulefort ; tout le monde ne peut parler à la fois. Je