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TERRE D’ÉBÈNE

— Moi, disait-il, j’ai pris dix-neuf apéritifs cet après-midi, je n’ai plus soif !

— Vous êtes une distillerie et non pas un sous-officier !

— J’arrivais d’Araouan, vous comprenez !

Je me souvenais d’avoir lu ce nom sur beaucoup de tombes au cimetière de Tombouctou.

— Alors les copains sans-filistes de Kabara font la fête quand l’un de nous revient d’Araouan. Ils savent ce que c’est, même ceux qui n’y sont pas allés.

— Où est-ce votre Araouan ?

— Est-ce que je sais ? Six jours plus haut que Tombouctou, dans le Sahara.

— Et qu’est-ce que vous faites là-bas ?

— On y crève, pardi !

— À part ça ?

— À part ça, on a la fièvre. J’y faisais aussi de la sans-fil. Mais mangez, buvez, j’en ai plus qu’il ne m’en faut.

Il me versa un verre de vin.

— À la tienne ! Paul Morand.

— Quoi ? fit-il.

— Rien.

Il se dandinait et, se-frappant les genoux :

— Araouan ! Araouan ! disait-il, en songeant profondément.

— Vous étiez nombreux, là-bas ?