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TERRE D’ÉBÈNE

Il arriva un petit bout presque blanc, nu comme un noir.

— D’où vient ce monsieur ? demanda Yacouba.

— De la rue des Billettes !

Paris ? La France ? Le petit-fils du Français ne connaît pas ces noms ! Le pays des blancs, pour lui, c’est la rue des Billettes !

Yacouba reprit :

— Le gouverneur Clozel passa à Koriommé. « Un pêcheur nègre ? fit-il, voilà ce qu’on a su faire de vous ? » Il se fâcha. Il m’ouvrit, non sans grande difficulté, la porte de l’administration. Et je revins à Tombouctou. Je pris un cuisinier. Salama ne pila plus le mil. On rogna mes boubous, on allongea mes pantalons, on coupa ma canne de cadi, on remplaça mon turban par un casque. Salama me disait : « Pauvre Yacouba ! maintenant je suis demoiselle et toi tu es toubab ! » Peut-être en ai-je l’air, c’est bien tout, mon âme est nègre.

— On m’a dit que vous aviez décidé d’aller en France une fois, mais qu’à Bamako, ayant vu le chemin de fer, cela vous avait tellement dégoûté que vous étiez remonté à Tombouctou.

— On vous a dit vrai. Cependant, je suis allé en France. J’ai voulu revoir ma mère, lui montrer mes enfants. J’étais complètement dépaysé. Je ne me sentais plus de ce pays blanc. Je vous le dis,