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TERRE D’ÉBÈNE

France. On va boire un apéritif. Prenez du tabac dans ma blague, il n’y a pas plus frais.

— Les laptots qui m’ont poussé sur le Niger m’ont chargé de vous dire bonjour, monsieur Yacouba. Dans le vaste pays, je n’entends parler que de vous.

Je vis tout de suite que sa renommée ne l’empêchait pas de dormir.

— J’aime les noirs. J’aime Tombouctou où mourut Dupuis, où naquit Yacouba. En 1902, quand j’étais Père Blanc, les indigènes m’avaient déjà nommé citoyen de la cité. Mon brevet portait : « Il participera à tous nos droits comme à toutes nos obligations. Toutefois, il conservera sa religion, comme nous, la nôtre. » Et je suis allé aux corvées sur les routes, avec eux. Plus tard, les notables m’ont agréé comme l’un des leurs en m’incorporant à un clan secret. C’était me donner plus que leur âme. Les autres membres noirs de mon quartier sont même tous morts. Je reste le seul représentant des nègres. Ils savent que je ne les trahirai pas. Je suis des leurs, j’ai quitté le clan des blancs. Vous me demandez quelle fut ma vie ?

Il ne tenait guère à remuer tout cela.

— Ma vie ? Elle est comme vous la voyez.

— Vous êtes né un certain jour, pourtant ?

— Oui, je suis né rue des Billettes, à Paris, qui est aujourd’hui la rue des Archives, en face du